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Petit roi du monde
Petit roi du monde

☽ Artifice ☾

ADMIN


✘ CONTES : 182
✘ AGE DU PERSO : 112 ans

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MessageSujet: voilaaaaa   voilaaaaa Empty28.07.17 0:12

VENDREDI


Trucs

Surnom : La Canaille
Groupe : Bayou
Age : 18 ans
Rôle : Guédé


Ou se zanj dlo
kite m neye rèv pa m
an dayiva
n'on lanm k'ap boukle chive l

La maisonnette est toute tordue. Elle s'élève sur plusieurs étages et chaque étage semble vouloir connaitre une existence propre. Libre et insensée. Tordue.
La maisonnette est toute bariolée. Elle détonne dans le paysage verdâtre du Bayou. Du rouge, du jaune, du violet, et du bleu, beaucoup de bleu. On dirait qu'elle tire la langue aux arbres obscurs qui l'encerclent.
La maisonnette est toute encombrée. De babioles, de mobiles, de grigris accrochés aux murs et aux toitures. Ils sont en os ou en bambous, et ils représentent des crabes, des requins, des bateaux. Il y a des masques aussi. Beaucoup d'arrêtes de poisson. Tout est bancal, à la fois méticuleux et maladroit, on dirait l'oeuvre d'un enfant.  

A l'intérieur de la maisonnette, tout est en bois sombre, gris. Mais chaque mur est submergé de fresques, de gribouillages, de symboles chatoyants. Certains se chevauchent, se recouvrent ou se suivent. Certains semblent raconter des histoires, d'autres sont indéchiffrables. Il y en a même des ridicules, des immatures, qui représentent des grosses dames ou des pénis mal faits. Les couleurs sont très vives et très diverses, et les paysages semblent bouger à mesure que les yeux les effleurent. Des vagues, des esquifs, encore des masques, encore des bateaux – l'un revient toujours, et sur sa coque est écrit IMMAMOU –, mais il y a aussi des sirènes, et des papillons, et des soleils, et des îles, et des créatures imaginaires, et des forêts, et des squelettes, et des filles, et des planètes, et tant de choses encore.

L'escalier qui mène à l'étage est obstrué de dessins et de ce qui ressemble à des guirlandes, ou des queues de cerf-volant. Dans le bois des marches est encore gravé ce petit bateau grossier. IMMAMOU.
Dans la chambre principale aussi, il y a des fresques et des pendules et des mobiles partout, accrochés aux plafonds ou abandonnés sur le sol. Il y a aussi des bougies et des noms de filles incrustés dans le bois. Parfois, il y a des coeurs, ou des "mwen renmen ou" à côté. Au milieu des toiles de peinture bigarrées, il y a un grand lit aux draps bleus.

La fille se redresse et glisse jusqu'au bord du lit. Ses gestes sont un peu pressés. Le garçon allume une sorte de pipe qu'il a bourrée avec de l'herbe. Il a la peau brune et les muscles fins, secs. Sa peau est ornée de tatouages et de symboles blancs. Il inspire, expire, et sa voix demande :

Pourquoi tu pars ?

La fille sourit vaguement mais ne le regarde pas. Elle enfile une tunique.

Tout le monde n'a pas la chance de passer sa vie à barboter... Baron.

Le regard soleil du garçon, aux nuances qui ressemblent à des vagues turquoise, se trouble, il a un bref sourire sans joie. Il a l'air gêné, mais ça ne reste pas longtemps.

Je passe pas ma vie à barboter...
C'est vrai. Tu barbotes, tu joues avec les têtards et les zombies, tu fumes de l'herbe et tu avales des champignons, tu bois, tu manges, tu dors, et puis tu danses ! Et tu couches avec toutes les filles.

Le garçon se redresse.

Je ne couche pas avec toutes les filles.

Elle se tourne vers lui et lui adresse un drôle de regard, un peu tendre mais pas que.

Tu fais ce que tu veux, Panzou. Je ne te demande rien. On s'amuse bien, c'est bien.
Mais arrête, je t'aime.

Elle se lève d'un coup, se dirige vers un miroir et se met à brosser sa chevelure crépue frénétiquement.

Bien sûr, Panzou, bien sûr. Tu m'aimes. Tu m'aimes comme tu as aimé toutes les autres. Comme tu en aimeras d'autres. Je sais que tu m'aimes. Je sais que tu as besoin de...
De quoi ? il a l'air plus irrité maintenant, mais c'est rare qu'il s'énerve.
De plus. Toujours plus. Ce n'est pas de ta faute, Panzou. Tu es né comme ça, j'imagine. Tu es le fils de Maman. Tu es fils de la mer. Le dernier, en plus. Tu ne peux pas te contenter de... D'une fille comme moi.

Elle se tourne vers lui. Il la fixe, il a l'air perdu. Il ne fume plus.

Tu ne comprends pas, pas vrai ? C'est pas grave. Je t'envie, tu vois. Toi, toi tu veux juste... vivre, toi tu sais profiter de chaque instant, tu trouves toujours quelque chose à ressentir, c'est ta nature. Tu trouves le plaisir partout et tu le laisses grandir en toi. Tout ce qui t'importe, c'est de sentir des choses. Par ton corps, juste par ton corps. Par tous tes sens. Quand je te vois t'enfoncer dans l'eau des rivières ou dans tes délires aux champis, tu vois, j'ai jamais rien vu d'aussi libre. Rien ne te retient, rien ne te perturbe. Tu t'en fous, des problèmes, des trucs graves, de ce qui se passe autour de toi. Même de toi-même, tu t'en fous. Tu as de la chance. Tu sais ?

Il la fixe toujours, mais il ne répond pas.

Laisse tomber.
Mais qu'est-ce qui t'arrive ? Pourquoi tu dramatises d'un seul coup ?
Sa a pral.

Il se lève, s'approche d'elle, la serre des deux bras.

Allez, arrête de parler de ça... Viens, on retourne dans le lit.
Oui hein, on va pas se mettre à parler, comme des adultes, quand même.

Panzou s'écarte d'un mouvement rageur et se dirige vers sa table de chevet. Il n'a pas aimé le sarcasme. Il n'aime pas le sarcasme.  Il en sort une bouteille à demi-remplie d'un liquide brun.

Tu vas boire ?

Panzou ne dit rien, il décapsule la bouteille et boit une grande gorgée.

Le grand Baron Vendredi qui fuit le moindre petit conflit. Comme d'habitude. Heureusement qu'il a toutes les réserves d'alcool qu'il veut... Si ça se trouve, tout le monde se moque de toi.

Il hausse les épaules.
C'est dur de dire s'il s'en fiche ou s'il fait semblant.

Tu t'en fous ? Comparé à tes frères...
Ne parle pas de mes frères. Tu les connais pas. Pourquoi tu parles de mes frères ? J'ai aucun problème avec eux, moi.

Panzou les aime, ses frères. Panzou recherche leur affection, toujours. A sa manière. Depuis qu'il est tout petit, Panzou aime ses frères. Ça lui fait un peu mal, quand on les compare. Il sait bien qu'il est moins fort, et moins impressionnant, et moins doué, et moins tout court. Mais il les aime bien plus qu'il les jalouse.
La fille se tait à son tour. Ses yeux brillent. Panzou ne sait pas pourquoi. Il voudrait qu'elle parte maintenant.

Ta mère, qu'est-ce qu'elle dit ?
Quoi ? Ma mère ne dit rien. Elle me dit d'être heureux.
C'est vrai qu'elle t'amène des filles, parfois ?

Il hausse les épaules. Pas vraiment pour dire "je sais pas", plutôt pour dire "c'est important ?".
Pour lui, pour Maman, ce n'est pas important.

Elle te couve trop.
Tu ne devrais pas critiquer Maman Brigitte.
Oui. Je sais ce qu'elle fait à ceux qui te font du mal. Je sais comme elle est puissante. Et tu l'es, toi aussi. Tu pourrais l'être. C'est juste que tu préfères danser, nager, te défoncer et baiser !!

L'amertume qui a grimpé dans ses mots le glace. De petites zébrures d'un bleu turquoise très vif lézardent sa peau caramel.

Je ne comprends pas ce que tu as. Tu n'as qu'à partir, si tu es si en colère.

La fille a une sorte de ricanement acide.

Oui, c'est ça. Je vais fuir. Comme toi, toujours. J'irai trouver du réconfort dans les bras d'une bèl ti fi, parce que j'ai un insatiable besoin d'affection, et puis on dansera, on boira, on rigolera, on se fera des bisous. Après je me ferai sauter toute la nuit, et je vais jouir, alors je me sentirai vivante. Et le lendemain, je recommencerai, parce que j'aurais trop besoin de me sentir vivante, que ce besoin sera urgent, impérieux, que sans ça j'aurai l'impression que je vais imploser, que je vais crever. Tant pis si en moi, y a un pouvoir de fou dont je me sers pas, ni pour moi ni pour les autres, tant pis si je me gâche, et tout, tant pis, puisque je veux juste jouir, jouir de tout mon être, dans l'eau, dans ma tête, dans le ventre d'une ...

Une porte claque.
Panzou est parti. Au passage, un grigri tombe du plafond et se brise par terre. La fille le ramasse, une larme se brise par terre aussi.
Elle court à la fenêtre. Panzou est sur la plateforme qui entoure la maison, et donne sur l'eau. Il se tient là, torse nu comme souvent, avec son vieux pantalon blanc qui lui serre la taille et les chevilles, avec ses dreadlocks bleues et ses tatouages luisants. Avec son air bête.

Tu sais ce que tu es ? dit la fille.

Il se tourne vers la fenêtre, la regarde, naïf, patient, et son expression semble vouloir incarner les prochains mots de la fille.

Tu n'es qu'un enfant.





Baron Vendredi court sur l'eau, dans le marigot qui enlace le Bayou. Des bandes de têtards et de poissons frétillent dans son sillage. Il les attire, comme ils l'attirent. Les vagues épousent ses pieds nus. Un grand sourire s'épanouit sur son visage. A le voir courir sur l'eau comme ça pourtant, de loin, on croirait qu'il fuit quelque chose.




depi m fèt
m ap trennen vi m
n'on ke pwason
Simbi marye ak mwen
yon peny an lò
nan de grenn mo

Le vieux Foubi vous adresse un drôle de sourire. Ses dents sont noires ou dorées, jamais blanches. Il se penche.

« Vous voulez en savoir plus sur le petit baron, huh ? Ce n'est pas le plus intéressant pourtant. Ha ha. Très bien. Moi je l'ai vu grandir, le petit baron. Et vite. Trop vite pour lui, je vous le dis. Alors le vieux Foubi va parler. Mais le vieux Foubi attendra compensation. Toujours partant ?

  Peu de gens appellent le petit baron "Vendredi". Maman Brigitte l'appelle Panzou. Jeux d'Enfants. On l'appelle Panzou.
  Il est le dernier, le dernier des fils. Le dernier baron. Et même s'il se tape tout ce qui bouge, jamais son regard ne luit comme quand il regarde sa manman.
 Une jolie plante, ce Panzou. Il est pas bien gwo, mais il est beau, avec sa belle silhouette, avec ses cheveux d'océan et ses yeux de limyè, comme les reflets du solèy dans l'eau. Et quand il pleure, quand il pleure ce sont de grosses grosses larmes salées qui pourraient remplir une baignoire, au moins.
 Ah, par contre, c'est sûr il a pas l'élégance de ses frères, le Panzou. Il se vêtit d'oripeaux. Comme sa mère, vous me direz ? Il aime quand même les vestes militaires de la marine. Comme son père, là, vous me direz. Il ne les porte presque jamais, pourtant, étranj, vous me direz. Il est presque tout le temps en vieux pantalon usé par le sel, qu'il serre à la taille et aux chevilles avec de vilaines cordes. Dur de croire que c'est un baron, vous me direz. Mais dites pas ça, non, dites pas ça. Surtout pas à Maman Brigitte.

Panzou est pas complètement humain, ça vous le savez, bande de komik. Panzou est un pitit dlo. Eau ! Sa peau s'assèche vite. Quand il s'échauffe sous l'effort ou la contrariété (et il évite ces deux là autant que possible, je vous le dis), sa peau  se lézarde de fissures toutes fines, d'un bleu d'azur... Ah, ça fait un drôle d'effet, entre ça et les tatouages blancs qui le décorent, et qui semblent changer de place tous les jours ! Un coup de son frère, ça, un coup de Mardi. Pour empêcher le petit baron de gagner le fond des mers, de quitter l'enceinte de l'île. Autrement, il reviendra plus. Mais on parle pas de ça, ici. Cht.
 Ah, ça vous intrigue, cette affaire d'eau ! Maman Brigitte courtise pas les hommes dans mon genre, et dans le vôtre non plus, je vous le dis. Maman Brigitte s'unit avec des forces que vous et moi, on ne connait que dans les légendes. Le père de Panzou, c'est Agwe. Esprit des eaux. D'autres mythes parlent du dragon Léviathan ou du démon Jörmungandr, pas de chez nous. Mais tout ça, tout ça c'est la même entité, qui se décline sous plusieurs formes, parce que c'est pas des êtres normaux comme vous et moi, non. C'est tout ça qui a fécondé la Brigitte. Alors Panzou est connecté aux eaux, voyez. Aux torrents, aux rivières, aux lacs et aux océans. S'il est pas près de l'eau, il en crève, le Panzou ! Et dites pas, jamais, que je vous ai dit ça.
 Et son père, son père il en parle sans arrêt, le Panzou. Il en parle comme s'il le connaissait. Mais son père, il l'a jamais vu. Que ce soit en léviathan ou en coquille Saint-Jacques, je vous le dis. Il l'aime de tout son coeur, son père. Il lui parle souvent, sans attendre de réponse. Il garde ses reliques pour dormir. Il le cherche, il l'attend, il l'espère, ça fait mal au coeur parfois, vous me direz. Enfin, il en pleure pas.
 Le Panzou, y a pas plus superstitieux. Toutes les croyances des marins, il y croit, je vous le dis. Il a peur du mauvais sort. Move chans. Il a peur des lapins. Ça porte malheur sur les navires, savez pas ça ? Il a même peur du mot, ce bougre de moun fou ! Tssss.
Le Panzou, y sait pas léviter comme les autres. Ni faire marcher les morts (même s'il les aime bien, depuis tout petit). Il préfère nager et draguer les filles, je vous le dis. Par contre, il adore peindre, le Panzou. Il peint tout le temps. Ah c'est spécial. Dans ce style. Expressif huh ? Beaucoup de couleurs. Je crois qu'il s'en moque de faire des jolies choses. Il peint pour lui, un peu partout. Beaucoup de bateaux. Il adore les bateaux, je vous le dis.
 Ah c'est vrai, c'est vrai, on raconte beaucoup de choses sur Panzou. C'est pas vrai qu'il est bête. P'tête qu'il cherche à l'être ? Qui sait. On dit beaucoup qu'il est moins puissant que ses frères. Je sais pas si ça le complexe. Il est pas du genre à affronter les choses, Panzou. Il aime pas l'effort, la concentration, le travail, la confrontation. Ah, quand même, quand il était tout petit et qu'il a vu son grand frère, Dimanche, en grande peine, il a voulu lui faire un cuddly, tsé. LaCroix l'a brûlé, sans faire exprès. Il a une trace de brûlure sur le bras et sur l'épaule maintenant. Il est sensible au feu, le Panzou, très. Et dites-vous, cette affaire, ça l'empêche pas de les chercher, tout le temps, ses frères. C'est fou, ça, vous me direz ? Pourtant, il est un peu orgueilleux le Panzou, mais ça dure jamais longtemps. C'est surtout un charmeur, ça. Avec les ti fi, aïe aïe, aïe ! Certains disent qu'il est obsédé par la chose, je vous le dis. Mais Panzou fait pas que ça pourtant. Il fait la fête, ah, la fête, ça ! Il peut danser toute la nuit, et il s'endort dans l'eau, les yeux qui tremblent, le corps tout mou ! Parce qu'il aime boire beaucoup et fumer de drôles de choses, je vous le dis.
Et puis y a ces drôles de moments. Où le Panzou reste enfermé pendant des jours dans sa maison toute tordue. Il fait que dormir. Dans le noir. Pendant des jours. C'est bizarre, ça aussi, vous me direz ? Ah. Il revient toujours, après. Pour faire la fête.
»

Raclement de gorge.

« Le vieux Foubi a beaucoup parlé. Et vous, vous avez appris beaucoup. Maintenant, on va parlez paiement. Oke ? »

Sourire noir et doré.




L'île

Comment vis-tu ton séjour à Never Never Land ? Que représente ce lieu pour toi ?  
 Panzou doit pas bien se souvenir de quand sa mère a déménagé tout le Bayou. Trop petit, trop ailleurs. Il a vu la mer, la rivière. Il était content. Il se pose pas de questions le Panzou. Il voudra découvrir, comprendre, s'adapter, et surtout passer du bon temps. C'est comme un besoin vital pour lui, passer du bon temps.


Regrettes-tu ta vie d'avant ? Voudrais-tu pouvoir retourner dans le monde ordinaire ?  Si tu n'en as jamais connu d'autre, désirerais-tu une autre vie ? L'autre monde te fait-il envie ?
Le Bayou, c'est son monde. Il est curieux, oui, curieux le Panzou. Mais il s'intègre mal ailleurs. Il connait pas les codes. Y a qu'à voir comme il est impudique, déjà. Ou comme il accoste les gens. Il sait pas bien faire. Et puis, il s'oublie. Il oublie de rentrer. Les guédés, c'est pas fait pour l'extérieur, je vous le dis. Mais ce qui l'attire, le Panzou, c'est pas ça. C'est la mer. Il pourrait se noyer avec le plus grand bonheur, le Panzou. Ce serait pas la première fois.


Comment vois-tu Peter Pan ? Quels sont tes sentiments envers lui ? A l'inverse, que ressens-tu pour le capitaine Hook ?
Ah, le vole pitit ! Ha ha ha ! Panzou vit dans le Bayou et le vole pitit dans les arbres et le ciel. Ils ne se croisent pas. Panzou en parle parfois, ça l'intrigue, je vous le dis. Et quand il le voit voler, il se met à courir sur les flots pour le tracer. C'est comme un esprit dur à attraper pour lui, voyez ? Ha ha ha.

Et le kaptèn, heh. C'est l'ami de sa manman. Il est mystérieux, froid, tout différent. Charismatique, hein ? Ça l'intrigue autant, le Panzou. Et puis, y a son bateau. Surtout, y a son bateau.





Men yon pwèm
Lasirèn mo
W a ede m janbe chagren
an janm de bwa
n'on fèy papye

Panzou a -1 jour.
Dans le ventre de sa mère, il nage déjà, il rit déjà, la vie pulse déjà en lui avec une force digne des tempêtes. Il sent que le monde est prêt à l'accueillir en son sein, et qu'il va sortir du ventre de la mère pour se répandre dans celui de la mer. Maman Brigitte aussi le sent, et elle marche vers la côte, vers les vagues qui s'agitent, déjà. Les frères suivent, derrière elle. Elle avait prédit que ce serait ce jour-là.


Panzou a 0 jour.
Quand son petit corps est expulsé dans la mer qui vient lécher les cuisses de Maman Brigitte, l'eau infiltre aussitôt ses poumons et pénètre sa peau. Il devient bleu, tout bleu, d'un bleu sombre comme les profondeurs. Un rayon de soleil qui danse sur les flots se glisse sous sa paupière. Il crie, gigote, se noie, meurt et vit.
Des bans de poissons, des calamars, des requins, enveloppent le petit corps tout bleu, dont les larmes forment de grosses bulles luisantes. On dit qu'un grand serpent de mer apparait à son tour et tourne en cercle autour du petit corps bleu. Les légendes lui donnent beaucoup de noms. Maman Brigitte l'appelle Agwe.
Maman Brigitte s'est relevée, ses cuisses sont encore poissées d'un liquide bleu sombre que vient laver l'écume. Elle attire son enfant à elle et l'enveloppe d'un linge humide, même si l'enfant est déjà trempé. Il en a besoin. Elle attrape son petit poignet et ouvre la paume. A l'intérieur, un symbole a imprégné la peau. C'est un bateau. IMMAMOU.


Panzou a 7 ans.
Il vit dans une coquille. Une coquille imaginaire. Il est le dernier des enfants de Brigitte et s'il est la moule, Brigitte est son rocher. Elle le protège et l'aime comme tous ses fils, mais c'est le seul à être encore un petit, sa coquille est encore plus dure. Pour l'instant, Maman Brigitte le préserve des rituels, des réunions, des cérémonies. Il a parfois le droit de rester quand un client vient la voir dans son repère et Panzou remarque que le client a souvent une capuche. Il joue avec les zombies, avec les animaux, et avec les vagues. Surtout avec les vagues. Il peint, il peint beaucoup. Des bateaux. Panzou ne connait pas la douleur, ni l'effort, ni la peur, ni la peine. Sa coquille est efficace. Et quand on dit de Panzou qu'il est enfant du diable, et que la bouche de son père est la porte qui mène aux Enfers des chrétiens, et qu'il est né de la semence du chaos, Panzou a ce regard un peu vide, un peu naïf, et il ne laisse pas ces mots-là l'atteindre. Ce n'est pas important.
Demain, Maman Brigitte l'a prévenu, la coquille sera transportée dans un autre monde. Panzou a demandé une question. Est-ce qu'il y aura la mer ?
Maman Brigitte l'a regardé de ses yeux noirs, lui a baisé la joue de ses lèvres noires, et a répondu : oui.
Panzou a souri. Il a les dents du bonheur, lui aussi.





dra ble
a kouvri kè m
w'a tounen vwal ki fè vwayaje


Panzou a 12 ans.
Accroupi à la bordure de l'eau, juste à l'entrée du Bayou, il fixe la femme qui discute avec le grand Cham. Ses mains sont couvertes de boue, et chaque fois qu'il trempe un doigt dans l'eau, une nuée de têtards s'agglutine autour en frétillant. Sa peau est brune et ses cheveux sont mille nuances de bleu. On dirait des algues sèches qui caressent la peau nue de son torse, car ils sont un peu longs quand il a 12 ans. Ses yeux sont deux morceaux des reflets du soleil qui scintillent sur l'eau, entre le jaune et le bleu. Ils vont de la berge à la femme et de la femme à la berge, un peu malgré lui.
La femme le fascine. Sa peau est aussi blanche que les yeux du vieil aveugle Patekwé. Il la fixe sans gêne, sans violence non plus. Elle l'attire. Elle le sait, et son sourire est enjôleur. On dirait qu'elle utilise ses gestes, son rire, son regard, sa chevelure, tout pour attirer le regard de Panzou.
Elle vient. Panzou détourne ses yeux soleil et s'approche un peu plus de l'eau. Des crevettes viennent chatouiller ses orteils.

Alors, il parait que tu es un Baron ?

Il acquiesce tranquillement. Il ne connait pas l'intensité sacrée du titre. Il ne connait pas grand chose encore, Panzou.
La femme approche encore. Panzou peut sentir son parfum, et il est très fleuri, très sucré, ça fait des rondes dans sa tête.

Ta mère n'est pas là ?

Il fait non de la tête. Maman Brigitte est en séance. Elle lui a dit "va voir ton père, Zouzou". Panzou a rejoint l'eau, alors.

Pourquoi tu es là ?

Qu'elle est belle, cette femme blanche. Les yeux soleil de Panzou la décortiquent lentement. Elle le voit, elle sourit, elle s'approche encore et son parfum de fleur semble vouloir rejeter l'astmophère poisseuse et salée du Bayou. Elle se baisse, et les yeux soleil se plaquent contre la courbe de ses seins. Ils ont du mal à s'en détacher.
On croirait qu'elle fait exprès.

Je suis venue chercher quelques ingrédients. Je travaille dans un endroit où on fabrique des rêves. Parfois, on a besoin d'un peu d'aide.

Il hausse un sourcil. Ses sourcils aussi sont bleus.

Ma mère dit que ce sont les esprits qui font les rêves. Ils nous font voir des choses. Ils nous parlent. Si je rêve de la mer, ou de la rivière, ou de la pluie, alors c'est mon père qui me parle.

Il sourit, révélant ses dents écartées.

Si tu es le dernier des fils... Tu es l'enfançon de celui qu'on nomme Léviathan. Le démon.

La main de Panzou s'enfonce dans la boue, ça fait des bulles. Les algues filandreuses ondulent.

Maman Brigitte dit que le mal n'existe pas, et que les démons et les esprits sont des pareils. Elle appelle mon père Agwe, et c'est le protecteur des pêcheurs.
Des pêcheurs. Ha ha ha !

Elle rit en rejetant sa tête en arrière, et Panzou se met à rire aussi, même s'il ne sait pas pourquoi.

Tu es intelligent. Et tu es beau ! ajoute-t-elle en s'accroupissant à son tour, passant une main dans ses longues dreads couleur des vagues.  

Intelligent, Panzou ne l'est pas tant. On dit plutôt l'inverse. Beau, il sait qu'il l'est, car ça, on le dit. Il sourit.

Veux-tu voir où je vis ? Elle sourit. Ses lèvres sont très rouges.
Je ne dois pas partir de là. Quand je suis loin du Bayou, et loin de l'eau, ma peau devient comme du papier.
Aussitôt ?
Non, au bout d'un moment, mais c'est que j'oublie de rentrer. Et je n'ai pas de sens de...
De l'orientation.

Il hoche la tête. Il est un peu triste, au fond, il voudrait rester avec elle.
La femme blanche le sait.

Je te raccompagnerai. Dès ce soir. Allez, viens.

Elle dépose un baiser sur sa joue et le relève. Panzou abandonne ses têtards et suit la femme blanche.
Tandis qu'il s'en va, l'eau du Bayou semble tenter d'attraper ses pieds, mais il ne remarque pas.





La chambre est rouge, comme le manteau de Dimanche, comme les lèvres de la femme. Panzou n'est pas très à l'aise. Sous la chambre, en bas de l'escalier, il a vu plein de Blancs allongés sur des couches, qui fumaient et parlaient tout seuls. L'odeur était agréable, mais ne ressemble pas à ce que Panzou connait. La femme blanche a fermé la porte.

Tu as déjà touché une femme, petit baron ?

Elle dégrafe sa robe, et Panzou, debout, la regarde sans rien dire. Dans la pénombre, sa propre peau semble très sombre. Presque bleue.

Je suis sûre que tu aimerais. N'est-ce pas, petit baron ?

Il n'y a jamais pensé, Panzou. Mais c'est vrai, c'est vrai que ses yeux avalent le corps de la femme blanche. Est-ce que ça veut dire qu'il a envie de la toucher ? Il ne se sent plus très bien. Il a soif. Il fait claquer sa langue dans sa bouche.

Tu as soif ? Attends...

Elle lui tend une petite bouteille de liquide jaune, avec des bulles. Panzou boit une gorgée, tousse et crachote en rigolant.

C'est quoi ?
Du champagne. Il parait que ton père adore le champagne.

C'est vrai, Maman lui a dit.

Maintenant, je vais te faire essayer autre chose.

Pendant que Panzou finit toute la bouteille, parce que comme son père, il adore ça, la femme blanche sort une longue flûte.

C'est quoi ?
Une pipe. C'est ça qui inspire les rêves. Du moins, certains rêves.

Elle s'occupe de la pipe, et pendant ce temps Panzou s'allonge sur le lit, en étoile de mer. C'est toujours comme ça qu'il dort, en étoile de mer. Il se sent mieux maintenant, même s'il a de plus en plus chaud.
La femme est venue à côté de lui. La chambre rouge danse un peu. Elle lui tend la flûte à rêves.

...
Quand la fumée entre en lui, quelque chose s'effondre à l'intérieur. Ça ne fait pas vraiment mal, en fait ça fait même du bien. C'est comme s'il se débarrassait de sa peau, comme les crabes. Quelque chose se perd, mais ça n'a pas l'air grave. Il se sent monter tout seul, c'est vertigineux et merveilleux. Il est léger, et lisse, et nu. Oui, d'ailleurs, il est nu, puisque la femme blanche a retiré son pantalon. Il y a encore une petite voix en lui qui dit "non" ! Mais ça devient dur de la distinguer, à travers la fumée.

La femme blanche parle et sa voix est grave, aiguë, loin et près, la voix est comme la fumée et s'introduit partout dans lui. Panzou rit, un autre Panzou pleure, sous la fumée.

Tu aimes, ça ?

Quoi, ça ?
Ça, la fumée ?
Ça, le champagne ?
Ça, la main qui glisse sur la peau, qui gratte et ondule, comme une petite anguille. Non, pas comme une petite anguille. Les anguilles ne vont jamais jusque . Pourtant, ça l'électrise, Panzou, et d'ailleurs il hoquette, il ne sait même pas si ça fait du mal ou du bien. Un Panzou aime, un Panzou n'aime pas. La femme blanche rit et prononce des mots qui lui donnent chaud, toujours plus chaud, qui l'angoissent et l'assomment en même temps. Il respire de plus en plus vite, de plus en plus fort.

"Petit baron, laisse-toi faire petit baron, tu sais que tu en as envie petit baron, moi je le vois petit baron, regarde, regarde, comme ça se voit ! Je vais te montrer petit baron, tu vas connaitre le plaisir, tu verras comme tu aimeras, viens petit baron, viens dans moi "...

La voix de la femme résonne si fort, et son corps sans robe est si vaste, si brûlant. Ou est-ce lui qui brûle ? Il se souvient de la brûlure de Dimanche, et c'est presque pareil.
La voix de la femme lui demande s'il veut ceci ou cela, et la voix est si douce, si suave, si pareille à la fumée. Elle touche, avance, absorbe, contrôle, donne et prend, donne tellement et prend tellement.
Il s'entend dire oui, de loin, comme si ce n'était pas lui. Il a l'impression qu'on a séparé son corps et son esprit. Ça hurle de joie et de terreur, très loin, très loin dans lui.

"Perit baron, comme tu es plein de vie... Comme tu es plein de force... Quelle énergie circule en toi, petit baron, je la veux, je veux la voir, donne-la moi, petit baron."

Les mots de la femme, et ses cris, ses soupirs, tout se mêle à la fumée et devient un manège qui tourne bien trop vite, où l'on n'a pas le temps de voir les contours des paysages et la gravite de ce qui se passe, on n'a pas le temps, ne restent que les sens, qui ne nous appartiennent plus. Il ne s'appartient plus.

" Petit baron, oui, petit baron, ha ha ha ! "

Chacun des contacts de la femme l'enflamme, d'abord entre les jambes et puis dans tout le corps, jusque sous les ongles, jusque dans les paupières. Il ne sait pas ce que c'est, il n'a jamais vécu ça, et maintenant ça le dévore, ça prend possession de lui, comme un énorme appétit.

"N'aie pas peur, mon petit baron... Je ne te ferai rien de mal. Au contraire, mon petit baron. Je vais te faire ressentir des choses... oh, tu n'imagines pas. Laisse-toi faire, mon petit baron. Laisse-moi faire. "

Chacun des contacts le paralyse, le feu de son corps est comme un sarcophage, une chrysalide qui l'empêche de bouger. C'est une douleur extatique, une félicité insupportable. Et Panzou se consume, dans les bras blancs de la femme qui l'étouffe, l'envahit, et le transporte dans un monde où il se perd et s'oublie.
Parce que Panzou n'a pas le sens de l'orientation.
Il gémit un peu, il se crispe, il se cambre. Il a le souffle coupé.
Il pleure.
Il tremble.





Les soleils sont presque morts. Ils ne brillent plus dans les yeux de Panzou. Sa peau est craquelée, sèche comme le désert. De petites rivières douloureuses se sont creusées dedans, partout sur son corps, elles sont d'un bleu presque fluorescent.
Panzou git sur le lit. Il attend que la femme blanche revienne. Il attend le champagne, et la fumée, et même la main et la bouche et le corps tout entier maintenant. Il en a envie, il en a besoin. Chaque jour un peu plus. Ça fait quatre jours. Panzou devient gris. Tant pis. Ça ne fait pas mal.
Ce matin, il a joué avec un serpent qui est venue le voir. Il était si heureux. C'était un serpent d'eau. Panzou adore les animaux. Le serpent lui a parlé de l'eau, et Panzou a voulu pleurer, mais lui n'a plus d'eau dans le corps. Le serpent lui a posé des questions, lui a caressé le front et les doigts, puis le serpent est parti, et Panzou a refermé ses soleils. Il a soif.

Quand les soleils se rouvrent, presque gris aussi, le monde est flou. Il entend des voix, à la porte. La femme blanche est là, et il l'appelle, mais sa voix à lui n'est rien qu'un souffle de poussière. Les autres voix vont et viennent, comme le ressac. Il entend des " tu te ne rends pas compte de ce que tu as fait " et des " regarde-le ". Il entend que le Bayou est déchainé, que Maman Brigitte n'a jamais été si menaçante, et dans son esprit se met à flotter le visage de sa mère, et comme il aimerait pouvoir pleurer. Il a remplacé les larmes par la fumée. Il entend que la femme blanche, elle, pleure, et hurle, tape du pied. Elle supplie d'une voix toute aigue : " Pitié, Moriko, arrête, pardonne-moi, Moriko, Moriko, ne fais pas ça, elle me tuera, MORIKO ! ".
Panzou aimerait la consoler. Il saurait. Elle lui a appris à faire plaisir. C'est facile.

Le serpent revient à lui et Panzou sourit. Il y a visage ensuite, un visage à tête de mort. Il sent la fumée. On lui donne de l'eau, et il boit, boit toute l'eau. On lui dit de se lever. Quand il bouge, les craquelures se creusent et d'autres naissent. Ses cheveux sont devenus violets. Ça ne fait pas mal.
Panzou ne se souvient pas bien de la suite. Il se souvient vaguement que la femme à tête de mort l'a pris par la main et fait marcher, et que les serpents l'aimaient comme une mère. Que la vie est revenue en lui très vite quand ses pieds se sont enfoncés dans la mousse humide du Bayou. Que le visage de Maman Brigitte, en contemplant les rivières sur son corps, en écoutant la femme à tête de mort, exprimait une haine capable de fendre les montagnes et foudroyer un ciel sans nuage.
Que Maman alors, a maudit la femme blanche, et que Panzou l'a supplié, terrifié, mortifié, car il savait que la haine de Maman Brigitte n'avait pas de pitié, jamais. Que ses larmes ont inondé la maisonnette. Que Maman a exigé de Mardi qu'il dessine sur la peau de Panzou une marque indélébile et que Panzou a été incapable de quitter la maisonnette inondée, alors. Pendant que Maman Brigitte allait trouver la femme blanche. Et Panzou cherchait la porte, la fenêtre, la trappe, mais la maisonnette n'avait rien de tout cela, en tous cas pas dans ses yeux que trompaient le sortilège de Mardi. Et dans sa petite prison, seul et furieux, il hurlait, il implorait, il menaçait, car il l'aimait tant, la femme blanche, et il voulait encore qu'elle le touche, et qu'elle lui parle, et qu'elle l'emmène dans l'autre monde d'extase et de fumée, il en avait besoin, il l'aimait, il l'aimait ! Il en MOURRAIT !!
...
Panzou avait tant pleuré qu'il s'était noyé, une fois de plus. Il s'était endormi, dans les bras de son père.





Panzou a 18 ans.
Il cherche encore le monde d'extase et de fumée.
Il le cherche tous les jours.




Invisible pour les yeux

T'as un Pseudo ? surfeur australien Sakripan
Et un âge ? non
C'est quoi ton Avatar  ? Original de Bélériande alias Max alias Bellemamax alias Poulate alias Poulatou alias Pou alias Poupoupidou
Comment t'as découvert l'île ? *ouvre son crâne*
Tu la trouves comment ? magique
Dis, tu crois bien aux fées ? à tout
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